Route des Vins 2002

A nous Bordeaux !

Le compte-rendu tant attendu de la grande épopée bachique 2002 est arrivé, et c'est Anne Serres qui en a assuré la rédaction, en coopération avec Sébastien pour la mise en page générale et le reformatage des photos. Puisse ce grand moment vous convaincre de nous rejoindre pour la route des vins 2003 en Languedoc.

 

Voir toutes les photos de la route des vins 2002

SC

 

 

Une joyeuse équipe de neuf membres d’IVV a sillonné le Bordelais pendant cinq jours durant les vacances de Pâques. Nous étions :

-Florian de Chaisemartin

-Aurélie Chobert

-Baudouin d’Harcourt

-Pierre Jeanjean

-Edouard Labruyère

-Marion Le Blanc

-Paul Moisselin

-Bénédicte Robert

-Anne Serres

 

Arrivés à Libourne le 14 Avril en fin de journée, nous avons pu reprendre des forces à Château Rouget où nous étions logés par Edouard. Nous disposions là d’une vue splendide sur le vignoble de Pomerol.

 

 

 

Au matin, après un petit déjeuner copieux grâce à ces messieurs qui s’étaient levés tôt pour nous apporter des croissants, nous avons pris la route vers Château Figeac, premier cru classé de Saint-Émilion.

 

15 Avril 2002, 11 heures : Château Figeac

 

Figeac est une importante propriété de 40 hectares excentrée par rapport au plateau calcaire de Saint-Émilion. Ce plateau rassemble neuf des onze premiers grands crus classés de Saint-Émilion. Figeac est une des deux exceptions qui se situent sur les « Graves de Saint-Émilion », l’autre étant le Château Cheval Blanc (ce dernier n’a pu nous recevoir, au dernier moment, alors que nous étions curieux de goûter le seul vin du Bordelais à majorité de Cabernet Franc (60% minimum).

 

Figeac connaît un encépagement très équilibré : 35% de Cabernet Franc, 35% de Cabernet Sauvignon et 30% de Merlot. Saint-Émilion est normalement l’appellation où le Merlot triomphe. Plus proche des canons de Saint-Émilion que Cheval Blanc, Figeac ne correspond cependant pas entièrement à ceux-ci. Le domaine appartient à la famille Manencourt depuis 1892.

 

 

 

Les vendanges se font à la main et occupent 80 personnes. Les merlots sont vendangés en premier. Après le tri, l’éraflage et le foulage, les moûts sont placés pour trois semaines dans des cuves en bois, qui ont au minimum trois ans, afin que les goûts de bois ne soient pas communiqués aux jus à ce stade de la vinification. 10 cuves en inox peuvent être utilisées en dépannage, au cas où les 10 cuves de bois n’y suffiraient pas. Pendant la fermentation alcoolique, les marcs sont donc immergés, l’extraction est lente, ce qui permet d’obtenir des tannins doux même chez les Cabernet.

 

Au terme de la cuvaison, on procède à l’écoulage et à deux pressages successifs du marc. On distingue donc le vin de goutte et le vin de presse, le second étant de toute façon incorporé au premier, car le pressage est suffisamment doux pour éviter tout goût herbacé désagréable que communiquerait un pressage violent écrasant peaux et des pépins.

 

Le vin part alors en barrique pour dix-huit mois. Ces barriques sont renouvelées à chaque millésime. Elles sont bouchées par des bondes en verre dont un côté arrondi peut n’être que posé sur l’orifice de la barrique et permettre aux gaz issus de nouvelles fermentations de s’échapper, sans laisser entrer l’oxygène qui oxyderait le vin. L’autre extrémité peut être enfoncée dans l’orifice et constituer un bouchon hermétique une fois les fermentations terminées. On procède alors régulièrement à des opérations de sous-tirage et de ouillage : le bois « buvant » et une partie des jus s’évaporant, il faut re-remplir régulièrement les barriques les unes avec les autres, car plus le niveau de vin est bas dans une barrique, plus le vin est en contact avec l’air, et risque de s’oxyder malgré la présence de la bonde.

 

Deux ans après les vendanges, on procède au collage au blanc d’œuf: le vin ayant vieilli sans filtrage, il faut en ôter les impuretés qui troublent sa robe. Celles-ci sont emprisonnées dans l’albumine de l’œuf qui coagule au contact de l’alcool.

 

 

 

Le second vin, la Grange Neuve de Figeac, est vinifié de la même manière, mais il est constitué des jus des vignes les plus jeunes (en dessous de quinze ans), ainsi que ceux qui ne seraient pas jugés opportuns dans le premier vin. En outre, le vieillissement du second vin se fait dans des barriques renouvelées annuellement par tiers, car le vin, moins puissant que le grand vin, serait étouffé dans du bois neuf et se chargerait d’arômes boisés qui en épuiseraient le fruit. La Grange Neuve de Figeac représente en moyenne 30% de la production du domaine, même si cette proportion est variable selon la qualité des millésimes. Plus celle-ci est élevée, plus nombreuses sont les parcelles dont les jus entrent dans la composition du grand vin. A l’inverse, les mauvaises années ne voient aucun jus susceptible de figurer dans le premier vin. Ainsi en 1991, année de gel calamiteuse pour Saint-Émilion, 100% de la production de Figeac consista-t-elle en second vin.

 

Nous avons eu l’honneur de déguster un 1990 en clôture de visite, un millésime exceptionnel auquel Robert Parker avait attribué 94! La robe était déjà briquée, le nez exceptionnel, opulent et frais à la fois, présentait des arômes fumés et grillés qui voisinaient les notes mentholées du Cabernet Franc. Le fruit était tout de cerises noires, kirschées et de cassis, des notes d’épices et d’encens venaient ajouter à cette complexité que l’on retrouvait en bouche. Douze années de vieillissement n’avait en rien altéré la fraîcheur en bouche de ce Figeac, frappante en attaque et dans la longueur, harmonieusement mêlée à des saveurs de torréfaction, et à un fruit aussi triomphant qu’au nez.                

 

S’il vous arrive de visiter Château Figeac, vous pourrez voir sur le livre d’or le mot que nous y avons laissé, qui reproduit l’éloge de Pierre Desproges au Figeac 1971, dans la Chronique de la Haine Ordinaire intitulée L’Aquaphile. Après une description dithyrambique de sa maîtresse, qui confine au sublime, Pierre Desproges raconte comment il renonça sans hésiter à cette idylle : « Ce 16 Octobre, donc, je l’emmenai déjeuner dans l’antre bordelais d’ un truculent saucier, qui ne sert que six tables au fond d’une impasse endormie de quinzième arrondissement de Paris où j’ai mes habitudes. Je nous revois, dégustant des moelleux bolets noirs en célébrant l’automne, romantiques et graves, d’une gravité d’amants crépusculaires (…). J’étais au bord de dire des choses à l’eau de rose, quand le sommelier est arrivé. J’avais commandé un Figeac 1971, mon Saint-Émilion préféré. Introuvable, sublime. Rouge et doré comme peu de couchers de soleil. Profond comme un la mineur de contrebasse. Eclatant en orgasme au soleil. Plus long en bouche qu’un final de Verdi. Un vin si grand que Dieu existe à sa seule vue.

Elle a mis de l’eau dedans ! Je ne l’ai plus jamais aimée !!  »

 

Après ce premier contact délicieux avec Saint-Émilion, nous sommes partis explorer le Sauternais…

 

 

 

 

15 Avril, 14 heures : Château De Malle

 

Accueillis au château de Malle par le maître de chais, Denis du Bourdieu, nous avons pu découvrir la large gamme de vins produits par la famille Bournazel, propriétaire pluriséculaire du domaine, ainsi que la visite du château nous permit Outre les liquoreux (château De Malle et château Sainte-Hélène), De Malle produit des blancs secs en 100% Sauvignon (M De Malle et le Chevalier De Malle), ainsi que des rouges (Cardaillan, sur un terroir racheté en 1997 et qui a donc succédé à la Tour De Malle, et le Chevalier De Malle, qui s’épanouit difficilement sur un terroir réservé aux blancs, dont le maître de chais entend privilégier le fruit, ce qui explique que la vinification ne se fasse pas dans le bois).

 

Comme tous les liquoreux de Sauternes, le château De Malle doit tout au Botrytis Cinéréa, qui se développe grâce aux brouillards d’automne, fréquents dans la région. Cette humidité matinale doit cependant être relayée par des journées sèches, sans quoi c’est la pourriture grise qui s’empare des baies (cf notre rubrique consacrée au Bordelais). La fréquence des brouillards est due à la présence d’un courant qui affiche 14°C en toutes circonstances. Lorsqu’il se jette dans les eaux de la Garonne, plus chaudes en automne, un peu de vapeur d’eau se dégage, qui cause les fameux brouillards.

 

Le développement du Botrytis impose que les vignes soient constamment maintenues à la limite du seuil de stress hydrique : des vignes trop vigoureuses verraient immanquablement se développer la pourriture grise dès leur entrée dans le stade de sur-maturation. En outre, pour limiter encore le risque de développement de cette pourriture, les pieds sont effeuillés, afin que la grappe soit mise à nu, que l’humidité matinale ne persiste pas sur les baies et que celles-ci reçoivent au mieux le soleil de la journée.

 

Nous parlons là de conditions météorologiques idéales, qui sont loin d’être garanties. En 1989, le temps fut trop sec pour que le Botrytis se développât. Les grappes furent donc ramassées rôties, à l’état de raisins de Corinthe. Le vin obtenu n’en fut pas moins délicieux…En 1997, la pourriture grise se développa côte à côte avec le Botrytis et il fallut effectuer un tri grain par grain entre les pourris inutilisables et les pourris-rôtis dont le jus vaut de l’or… 

 

Lors de la récolte, la teneur en sucre des grains s’élève en moyenne entre 18 et 20 degrés d’alcool potentiel. Ce taux peut monter jusqu’à 22 degrés. Après une fermentation d’une quinzaine de jours, on procède à l’élevage en barriques de chêne renouvelées annuellement par tiers. Un à trois sous-tirages sont nécessaires, ce qui est peu. Le batonnage sur lie permet de mélanger le jus aux moûts en cours de fermentation, ce qui entraîne une extraction plus profonde. Il est particulièrement profitable au Sauvignon, qui apporte fraîcheur et structure dans l’assemblage avec le Sémillon, aromatique et mielleux.

 

Nous avons goûté un Cardaillan 1997, le premier produit par le château De Malle. Déjà très ouvert, il présentait des notes musquées, et empiromatiques, ainsi qu’une fraîcheur minérale caractéristique du terroir des Graves.

 

Encore en barriques, le château De Malle 2001 présente un nez d’ananas (comme tous les Sauternes, à part Yquem) et une fraîcheur au nez et en bouche qui persistera pendant 5 ans avant de se fermer pour 5 ans. Le vin s’épanouira ensuite pendant une bonne quarantaine d’années sur des arômes de fruits confits, de miel et de pâte de coings. En 2002 il présente des arômes d’ananas, d’abricot, de mangue et d’aubépine.

 

 

 

 

15 Avril, 16 heures : Château Yquem

 

 

De gauche à droite : Bénédicte Robert, Florian de Chaisemartin, Paul Moisselin, Baudouin d’Harcourt, Aurélie Chobert, Pierre Jeanjean, Anne Serres, Marion Le Blanc. Notre président adoré prenait la photo…

 

 

 

Yquem est mythique, inénarrable, les mots manquent pour décrire ce domaine et le vin qu’en extrait la famille Lur-Salurces depuis des siècles. Rachetées par LVMH, la propriété demeure gérée et administrée par le comte Alexandre de Lur-Salurces. Elle est composée de 115 hectares d’un seul tenant, ce qui assure une belle variété des sols. A 86 mètres d’altitude, elle affiche constamment une température supérieure de 4°C à celle que connaît le reste du Sauternais. Cette position de point culminant la protège ainsi du gel et l’expose au vent, ce qui permet d’assécher les grains et d’empêcher le développement de la pourriture grise au bénéfice du seul botrytis.

 

Le domaine cultive 80% de Sémillon et 20% de Sauvignon : l’immense renommée du liquoreux produit par Yquem laisse dans l’ombre la version « sec » : Y d’Yquem. Les sols sont argilo-calcaires, recouverts de sables et de graves. La vigne est arrachée tous les 30 à 40 ans, par roulement : 2 à 3 hectares sont ainsi arrachés tous les ans. A cette occasion on refait les drains en terre cuite qui parcourent les sols afin d’éviter toute stagnation ou humidité excessive. L’appellation Sauternes exige que les vignes soient âgées d’au moins quatre ans.

 

La production maximale autorisée pour bénéficier de l’appellation Sauternes est de 25hl/ha ; Yquem produit en moyenne 7 à 8 hl/ha. Les variations sont cependant importantes d’une année à l’autre: en en 2001, année exceptionnelle en qualité et en quantité, Yquem a produit 15 hl/ ha ; en 2000, par contre, Yquem a produit 2hl/ha, et déclassé 60% de sa production. En effet, lorsque le comte juge la qualité des jus insuffisante, Yquem déclasse : la production est vendue aux coopératives voisines et mêlée au Sauternes générique.

 

Après un pressage pneumatique, les jus sont confiées pour 3 ans et demi à des barriques neuves. Puis le vin est mis en bouteilles, mais n’est commercialisé qu’un an et demie plus tard. Le millésime 2000 fait exception, puisque l’effet-date a amené à sa commercialisation en primeur. 100 000 bouteilles sont vendues par millésime ; les années excédentaires sont conservées comme marge d’ajustement. A l’issue de la fermentation alcoolique, on atteint 14° d’alcool ; restent 4° en sucres résiduels dont les levures peuvent se nourrir.

 

Le comte Alexandre de Lur-Salurces nous a fait l’honneur d’une dégustation extraordinaire :

 

L’Yquem 1996 présente une robe d’or clair, un nez d’abricot, de mangue, de coing, et de bergamote. De miel, aussi, le miel de châtaigner, tant le bois s’associe harmonieusement au sucre.

En bouche il est infiniment riche et moelleux, sur le fruit, le fruit exotique, avec une finale très fraîche.

 

L’Yquem 1991 présente une robe plus ambrée, avec le vieillissement. Au nez, le miel s’est fait cire d’abeille, avec des fruits plus murs : l’abricot tourne au confit, le coing frais à la pâte de coing. En bouche on est frappé par la consistance : chaude et extraordinaire d’onctuosité à force de concentration. La longueur en bouche est phénoménale.

 

L’Yquem 1994 présente une robe d’or pâle, très brillante. L’évolution vers la cire d’abeille est entamée au nez, mais le fruit domine, plus frais, plus blanc, que dans le 91 dont nous sortons. Le boisé est également moins marqué. En bouche, on retrouve ces arômes extraordinairement subtils de fruits blancs très juteux comme le lychee. Au total, un millésime tout en dentelle finement brodée… Dans cette délicatesse, aucun arôme floral : « c’est la marque d’Yquem », confirme Alexandre de Lur-Salurces.

 

L’Yquem 1990 confine au sublime pour ce millésime exceptionnel. Sa robe est d’un vrai jaune or, incroyablement lumineux. Les arômes jaillissent littéralement du verre, dès qu’on approche le nez, qu’ils prennent d’assaut. D’une immense générosité lorsqu’il exhale la brioche toastée, la pâte de coing et l’abricot confit, l’Yquem 1990 présente aussi un vraie fraîcheur, un équilibre intense.

 

Alexandre de Lur-Salurces qualifie son vin de « vin de méditation ». Pour les accords culinaires, il cite Frédéric Dard : « à boire avec un bon ami, à la rigueur, mais rien d’autre ».

 

 

Après quelques courses, nous sommes rentrés à Château Rouget, où nous avons dégusté une succulente blanquette de veau, dont la sauce, obtenue par déglaçage au délicieux Meursault de Jacques Prieur, aura laissé à tous un souvenir ému…

 

 

 

 

Mardi 16 Avril 2002, 10 heures :Château Gazin

 

Nicolas de Bailliencourt nous fait les honneurs de son domaine, qui part du point culminant de Pomerol, où il jouxte Pétrus, et va jusqu’à Saint-Emilion. Ce sont là 26 hectares de sols argileux, très proches de la surface, et recouverts de graves. La prédominance de l’argile donne des sole froids, dans lesquels se complaît le Merlot, ce qui explique que l’on oppose souvent la rive droite de Pomerol et Saint-Emilion, terre du Merlot, à la rive gauche, du Médoc et des Graves, où triomphe le Cabernet Sauvignon. Cette règle a bien sûr ses exceptions…Gazin est ainsi composé de 90% de Merlot, 7 % de Cabernet Sauvignon et 3% de Cabernet Franc.

 

Le maître des lieux nous confie que, la nuit précédente, la température a frôlé les –2,5°C, seuil fatidique en-deçà duquel la vigne gèle. Pour se prémunir contre de tels accidents, bon nombre de propriétés dont Château Pétrus, ont équipé leurs vignes de braseros, tandis qu’à Pessac des hélicoptères ou des hélices brassent l’air, pour mélanger les couches d’air froid, proches du sol, aux couches d’air plus chaud, plus en altitude.

 

Nicolas de Bailliencourt a opté pour les cuves en béton, pour leur inertie thermique comparable à celle du bois, dont le béton ne présente cependant pas les inconvénients, et notamment son hospitalité pour des légions de microbes et autres germes. Le vieillissement et la fermentation malolactique ont cependant lieu dans des barriques qui sont renouvelées par moitié tous les ans.

 

Le maître de Gazin profite de cette visite pour nous expliquer un phénomène curieux et fortement dommageable qui a frappé une bonne partie du vignoble bordelais jusqu’en 1990: des insectes s’étant propagés dans la charpente des chais, la plupart des propriétaires qui disposaient de chais en bois les avaient fait traiter à l’aide d’un insecticide qui passait pour le plus efficace de sa génération. Les insectes disparurent, mais le vin qui fut sorti des chais révéla un goût de bouchon prononcé. Après avoir vainement cherché une explication du côté de la qualité des bouchons, les propriétaires se demandèrent si le vin n’avait pu être contaminés avant même leur mise en bouteille, avant même tout contact avec un bouchon, au moment, dans la barrique, où le vin connaît le plus d’échanges avec le monde extérieur, du fait de la porosité du bois. On découvrit alors que l’insecticide employé pour traiter les chais dégageait du tétrachloroanisol, molécule proche de celle produite par les bouchons de liège lorsqu’ils donnent le fameux « goût » : le trichloroanisol. Il fallut donc refaire les chais…

 

Nous goûtons le millésime 2001, à peine mis en bouteille, sous la forme d’échantillon. Il présente alors, à sa sortie de barrique, une robe purpurine, incroyablement dense et totalement opaque. Au point que, du dessus, on ne peut pas lire par transparence l’inscription « Château Gazin » sur le verre, et encore moins en distinguer le pied.

Le nez est tout en fruits de sous-bois, en framboise, groseille, cassis et mûre, avec des arômes de cuir et de gibier en devenir, porteurs de très séduisantes promesses. En bouche, on commence bien évidemment par mordre les tannins, mais le boisé a la délicatesse de n’arriver qu’en finale pour ne pas gâcher l’explosion des fruits.

 

Le 2000 ne présente pas cette concentration, sa robe rubis est moins opaque, même si toujours très dense. Le boisé et le grillé partagent harmonieusement la place : les fruits rouges pointent et l’horizon n’est jamais loin ! En bouche, le grillé est moins intense, il laisse encore plus de place à la framboise et à la mûre qu’au nez.

 

 

 

 

Mardi 16 Avril 2002, 14 heures : Château l’Angélus

 

Le Château l’Angélus est composé de 26 hectares dont 23 sont classés Premier Grand Cru.

La spécificité du Château l’Angélus est sa forte proportion de Cabernet Franc, comprise pour chaque millésime entre 35 et 60%. Il partage l’assemblage avec le Merlot : le Cabernet Sauvignon est réduit à la portion congrue. Le terroir de Saint-Emilion est composé d’une butte : sur le haut de cette butte se trouvent les terres froides, argilo-calcaires, qu’affectionne le Merlot ; en bas, les sols plus sableux sont propices aux Cabernets.

 

L’ébourgeonnage, les vendanges tardives d’une à deux semaines de plus que dans les autres propriétés, les macérations préfermentaires, le pigeage et une fermentation particulièrement lente confèrent à l’Angélus une concentration qui vaut une signature. L’Angélus se reconnaît en effet à l’extraordinaire densité de sa robe.

 

Nous avons goûté le 1999, qui fait figure d’exception puisqu’il est composé à 75% de Merlot. La robe est opaque et intensément purpurine. Au nez, le fruit va sur les figues, la cerise ; il est harmonieusement toasté. Le bois est plus présent en bouche, où il se mêle à la rondeur d’un fruit très mûr.

 

 

 

 

Mardi 16 Avril, 17 heures, Château Belair

 

Ce fameux Grand Cru Classé de Saint-Emilion nous a fait l’honneur de nous recevoir au pied levé. Cette disponibilité est rare dans la région et doit être saluée. Nous avons pu vadrouiller en toute liberté dans les caves creusées dans la roche de la butte de Saint-Emilion, un endroit exceptionnel, entre sanctuaire et catacombe!

 

Notre hôte nous a ensuite fait goûter le Château Belair 2001, composé à 80% de Merlot.

La robe en est plus violette que rouge, le fruit très présent est vif et aérien. En bouche, le Belair dévoile un boisé délicat et un fruit croquant de cerise et de framboise. Après quelques instants d’aération, il révèle des arômes surprenants de café, de praliné et de figue.

 

 

Retour à Rouget. Il faut une casserole pour 2kg de patates. Ce sera la bassine de la vaisselle !

 

 

 

La cuisson des patates est  le temps d’un apéritif au soleil couchant. Que demande le peuple ?

 

 

 

 

Mercredi 17 Avril 2002, 10 heures, Château Smith-Haut-Lafitte

 

En route pour le Médoc, nous avons quitté tôt Rouget, Pomerol, et la rive droite, en chemin, nous nous sommes arrêtés en Pessac-Léognan, pour découvrir un domaine atypique.

 

Le domaine du couple Cathiard déplie allègrement l’éventail des bienfaits du vin, puisque le château Smith Haut-Lafitte jouxte le centre de vinothérapie des Sources de Caudalie. Des étudiants agronomes, lors d’une route des vins au moment des vendanges, ont signalé aux Cathiards les bienfaits encore inexploités des moûts de raisin riches en polyphénols révélateurs d’éclat et protecteurs de la peau… Le couple a donc cessé de jeter les moûts sans autre forme de procès après pressage. Après moult expériences, ils ont développé une ligne de soin et de beauté à partir des fameux polyphénols de raisins, qui ont ensuite essaimé chez Lancôme et maintenant chez L’Oréal (retournez à vos cours d’économie pour vous interroger sur la problématique de la durée des brevets…). Pour information, les « caudalies » sont l’unité de mesure de l’intensité de la robe d’un vin.

 

Le couple Cathiard assure l’exploitation d’un vignoble composé de 55 hectares d’un seul tenant, partagés entre 44 ha de rouge et 11 ha de blanc, qui permettent de produire le Grand vin, Smith Haut Lafitte, et un second vin, les Hauts de Smith. Les vendanges sont manuelles, comme dans la majorité des grands domaines, mais les exploitants se passent de désherbants et d’engrais, préférant utiliser un compost à base de sarments et de fumier. La limite légale de la productivité de l’appellation est fixée à 62 hl/ha, mais la productivité de Smith ne dépasse pas 35 hl/ha, afin de favoriser a concentration des arômes, la densité du vin, et son aptitude au vieillissement. Les cuves et les barriques sont en bois, Smith disposant de sa propre tonnellerie. Les moûts fermentent un mois dans les cuves de bois, et l’on procède à des saignées qui ont permis d’obtenir un rosé en 2001. L’élevage en barriques dure ensuite 18 mois.

 

Smith Haut Lafitte produit 250 000 bouteille par an (150 000 en rouge et 100 000 en blanc) et exporte 80% de sa production, à destination de Grande Bretagne, Belgique, Suisse et Allemagne, principalement.

 

La visite du domaine est un moment délicieux : la modernité des installation se le dispute à la volonté affichée de Florence et Daniel Cathiard de privilégier l’authenticité du terroir sur lequel ils se sont installés. La tonnellerie en témoigne. La reprise en main des bâtiments par Florence Cathiard, dans ses prestigieux éléments de réception, témoigne du goût sûr d’une experte ès-communication. L’immense salle de bal, à poutres apparentes, avec une hauteur sous plafond vertigineuse, est tapissée sur tout un pan de mur, de poèmes de Maxime Ferrier, illustrés par l’auteur dont nous citons ici un joli exemple :

Viens, mon âme,

Calme mon cœur,

Le salut est pour beaucoup plus tard,

Rentrons,

La nuit tombe vite ces temps-ci.

 

 

 

Nous avons pu goûter le Smith rouge et le blanc en primeur.

 

Le millésime 2001 nous a été présenté alors que l’élevage en fût ne se terminera qu’à un an de notre dégustation. Il présente en rouge peu de bois au nez, beaucoup plus en bouche, et la minéralité typique des Graves s’y illustre fièrement. Notre guide nous a précisé que le bois que nous trouvions dans ce vin au stade encore embryonnaire, provenait du mois de fermentation en cuve de bois, alors que six mois de barrique ne pouvaient avoir déjà imprimé de goût de boisé-vanillé au vin. Le fruit est jeune et frais, mais surtout des arômes délicats de réglisse rehaussent avec force le caractère d’un vin encore trop jeune pour être pleinement apprécié.

 

Le millésime 2001 est beaucoup plus accessible en blanc. Son élaboration ne le destine pas à une longue garde, contrairement au rouge. La robe est d’or clair, avec des reflets verts. Le nez est très frais, très fruité d’agrumes (bergamote et citron), de mangue et de pêche, de fruits et de fleurs blanches : litchee, poire et aubépine. En bouche il est frais, aérien, les arômes du nez s’inscrivent en bouche sans lourdeur. Le bois n’intervient qu’en fin de bouche: la longueur en bouche n’en finit pas de discuter sur le mode boisé-fruité exotique. Un très beau moment !

 

Malgré le menu extrêmement alléchant du restaurant des Sources de Caudalie, nous avions prévu le pique-nique afin d’arriver sans retard chez May-Eliane de Lencquesaing, propriétaire de Pichon Longueville, Comtesse de Lalande, qui a eu la bonté constante d’entretenir une amitié fidèle avec In Vino Veritas.

 

 

Le temps d’une halte dans un bois médocain, nous avons donc rallié Pauillac.

 

Mercredi 17 Avril 2002, 15 heures, Château Pichon Longueville, Comtesse de Lalande

 

Lors de sa visite à Sciences-Po pour une dégustation dans le cadre de Sciences-Po Millésimes, Madame de Lencquesaing nous avait invités à dormir « à Pichon » lors de la phase médocaine de notre épopée bordelaise. Nous sommes donc arrivés sur les terres de cette grande dame avec nos petits baluchons. La visite de château Yquem nous a inspirés dans le choix d’un cadeau digne de la générosité de notre hôte : Yquem a abrité la convalescence de poilus de la Première Guerre Mondiale, qui ont planté un marronnier pour montrer l’indéfectibilité de leur amitié et de leur reconnaissance pour la famille Lur-Salurces. Ne pouvant rivaliser dans le luxe, nous avons également préféré jouer sur le symbole en offrant à Madame de Lencquesaing un citronnier en fleurs, en gageant que l’enracinement de cet arbre dans la terre de Pichon symboliserait l’attachement d’In Vino Véritas à ce domaine prestigieux.

 

Nous avons commencé par une visite du domaine qui nous a permis de découvrir les lieux de l’élaboration du vin, le cuvier qui rassemble les cuves en inox, et le chais, renouvelé de moitié chaque année. Nous avons aussi pu voir les collections de Madame de Lencquesaing, ayant trait au vin et au verre. La diversité de sa collection de verres est à couper le souffle : les plus anciens sont étrusques, en pâte de verre, les plus récents sont des créations originales et uniques des plus grands noms de la verrerie et de la cristallerie. Dans les chais, toiles, œuvres photographiques et sculptures témoignent de l’ouverture d’esprit et de la sensibilité artistique de Madame de Lencquesaing, ainsi que des relations privilégiées qu ‘elle a su nouer avec le marché américain Ce marché est en effet riche d’artistes amateurs de bons vins autant que de mécènes oenophiles qui ouvrent une passerelle antre le monde du vin et celui de l’art.

 

 

 

De bas en haut : Edouard Labruyère, Paul Moisselin, Marion Le Blanc, Baudouin

 

 

 

L’adorable King Charles de Madame de Lencquesaing, Piccolo, nous a été présenté. Il a trouvé un agréable compagnon de jeu en la personne de notre président.

 

 

Nous avons pu déguster le Bernadotte, cru bourgeois du Haut-Médoc, que Madame de Lencquesaing a acheté à un fantasque aviateur suédois en 1997. Sa robe rubis clair abrite un nez de terre, de café et de réglisse. La bouche est vive et plus fruitée. Le millésime 1997, que nous avons goûté, ne porte pas encore la marque de sa reprise en main par Pichon, beaucoup plus sensible dans le 1999, que Madame de Lencquesaing nous avait fait goûter lors de sa venue à Sciences-Po Millésime.

 

La réserve de la Comtesse  1999 allie 66% de Cabernet Sauvignon, à 31% de Merlot, et 3% de Cabernet Franc. Elle présente une robe rubis dense, un nez complexe de poivron (signe de la belle maturité que les conditions météorologiques ont autorisé en 1999 pour les Cabernet), de café, de cacao, de fruits noirs et de noyaux de cerise. En bouche, l’astringence des tannins de ce vin jeune se le dispute à des notes fumées, torréfiées de cacao et fruitées de bigarreau.

 

Enfin, Madame de Lencquesaing nous a offert de goûter son grand vin en primeur. Embryonnaire, le Pichon Longueville Comtesse de Lalande 2001 présente une robe purpurine extrêmement dense, un nez empiromatique, très fermé,  avec un fruité encore rouge. En bouche, l’astringence palpable, le fruit et le boisé intervient en fin de bouche.

 

 

 

Vieilles pierres et avant garde dans les chais de Pichon

  

 

Madame de Lencquesaing, en plus de nous héberger, a eu la bonté de nous offrir une dégustation et un somptueux dîner au Lion d’Or. Nous ne saurions tarir d’éloges sur une propriétaire qui porte haut les couleurs de son domaine à travers le monde, et sur une femme qui chérit ce domaine familial avec une tendresse toute maternelle. L’évocation de ses souvenirs de la Seconde Guerre Mondiale fut particulièrement émouvante. Un bataillon allemand occupa en effet le château, en ruina les parquets, les murs et les meubles. L’odeur de cuir mouillé de leurs bottes et des harnachement des chevaux y subsista plusieurs années après leur départ, malgré les efforts de Madame de Lencquesaing et de son époux.

 

 

 

 

Jeudi 18 Avril 2002, 10 Heures, Château Margaux

   

De gauche à droite : Paul Moisselin, Baudouin d’Harcourt, Bénédicte Robert, Florian de Chaisemartin, Marion Le Blanc, Pierre Jeanjean, Anne Serres, Edouard Labruyère. La photo était prise par Aurélie Chobert.

 

 

Le château Margaux comprend un ensemble de terres de 260 hectares, dont 78 hectares de vignes. 40% de cette production en rouge entre dans la composition du grand vin, 48% va dans le second vin, le Pavillon Rouge ; il existe un troisième vin depuis 1997, qui est entièrement confié à un négociant. Enfin, le Château Margaux produit également un vin blanc, le Pavillon Blanc, 100% Sauvignon, planté sur 12 hectares d’un seul tenant, qui est élevé pendant 6 à 8 mois en barriques de chêne renouvelés par tiers tous les ans.

 

Le millésime 2001 est constitué de 81% de Cabernet Sauvignon, de 7,3% de Merlot 7,3% de Merlot, 7,4 % de Petit Verdot et 4,3% de Cabernet Franc pour le grand vin, et 58 % Cabernet Sauvignon, 35% Merlot pour le Pavillon Rouge (le solde étant partagé entre Cabernet Franc et Petit Verdot). Notre hôte promet également un Pavillon Blanc somptueux.

 

On trouve à Margaux une tonnellerie propre au domaine, qui assemble 30 % des barriques utilisées à Margaux, qui en change en totalité touts les ans pour le grand vin, tandis que le Pavillon rouge est élevée dans des barriques renouvelées par moitié tous les ans.

 

Nous avons eu l’immense privilège de goûter le Château Margaux dans son millésime 1998. Sa robe, dense mais translucide, offre à l’œil un rubis qui confine au sublime. Le nez présente une harmonie extraordinaire entre le boisé et le fruité, sucré, frais, très friand, entre fraise, framboise et mûre, et au fil de l’ouverture, des notes de café, de pain d’épices, le tout nimbé d’une fraîcheur qui préserve l’amateur de tout écœurement. Ce nez extraordinaire a de nouvelles histoires à raconter à chaque seconde. La bouche est à la hauteur de cette stupéfiante complexité. Pressés, attendus pour déjeûner à Saint-Estèphe,  nous devons partir alors que ce vin aurait mérité des heures de conciliabules pour mieux cerner l’exhaustivité des arômes qui s’en dégagent !

 

 

Emouvantes  reliques, dans le chais de Château Margaux :

 

 

 

Unique au monde… 

 

 

 

Jeudi 18 Avril, 12 heures, Château Phélan-Ségur

 

Thierry Gardinier, aîné des deux fils de Xavier Gardinier, nous a accueilli au Brut Premier de Roederer et nous a fait l’honneur d’un déjeuner somptueux. Décontracté, et avec un franc-parler unique, sur la façon dont il envisage le vin et son élaboration, Thierry Gardinier nous a régalés. Sa conversation était véritablement passionnante, sans concession, voilà un homme qui respire l’absolu. L’étape à Phélan-Ségur a été un moment de pur bonheur, inoubliable. Depuis l’un des membres de notre équipée tente encore de faire remplir aux frères Gardinier une demande d’adoption à son profit…

 

Ce déjeuner avait quelque chose d’unique en tout : une immense table plantée au milieu de la somptueuse salle de réception, dont les baies vitrées s’ouvrent sur le vignoble à perte de vue, des mets délicieux, des vins superbes et en parfait accord, la conversation chaleureuse de notre hôte…Tout ! Retraçons ensemble ce déjeuner d’exception, rien que pour le plaisir de frétiller des papilles…

 

Un Château Carbonnieux 1999 accompagnait en blanc les asperges sauce mousseline qui nous furent servies en entrée. Les fanatiques de l’accord vins-mets auront noté l’audace : les asperges sont, avec la vinaigrette, parmi les mets les plus difficile à allier au vin. Le boisé et

la fringance de ce jeune Carbonnieux faisaient cependant merveille. Accord à retenir !

 

Jugeant que nous ne pouvions quitter le Médoc sans goûter le fameux agneau de Pauillac, Thierry Gardinier nous en a fait servir, en croûte, accompagné d’un Phélan-Ségur 1995, dont la finesse torréfiée d’arabica, de cacao, de truffe et de bigarreau a magnifiquement servi la viande tendre de l’agneau sans l’étouffer.

 

Les fromages ont été servis avec un Phélan Ségur 1993, fort de ses arômes évolués de sous-bois, de gibier, de fougère et de cerise à l’eau de vie.

 

La surprise est venue au dessert, lorsque, contre toute attente, Thierry Gardinier a demandé que nous ne restions pas au 1993 pour la mousse au chocolat. On nous a alors versé un nectar tuilé dont la robe avait des tons orangés tout à fait somptueux. Le nez n’en finissait pas de dévoiler des trésors de ressources dans les fruits kirschés, très mûrs, le pruneau, le raisin de Malaga et de Corinthe, mais aussi les arômes de boîte à cigare, de caramel et de liqueur de cacao. En bouche on retrouvait tous ces arômes exceptionnels, magnifiés par une longueur extraordinaire. Lorsque Thierry Gardinier nous demanda de nous risquer à avancer une date, nous tremblions. Seul notre glorieux président a osé souffler du bout des lèvres « C’est un 1982, n’est-ce pas ? »…C’était un 1982, l’année sublime de toutes les années « récentes », l’année, solaire entre toutes, exceptionnelle entre toutes ! Sur une mousse de chocolat noir, je vous laisse imaginer la merveille des merveilles! Thierry Gardinier nous a gâtés pourris.

 

 

A la sortie de table, le cigare à la main, pour favoriser notre digestion, nous étions d’ailleurs pourris-rôtis… Thierry Gardinier nous a alors fait les honneurs de son domaine. A ce stade des bienfaits de notre hôte, nous l’aurions suivi en enfer !

 

 

Le teint frais, l’œil  pétillant, le havane en alerte, nous visitons Phélan en manière de digestif

 

 

 

Bénédicte et Anne : HEU-REUSES !!

 

 

 

 

 

Jeudi 18 Avril, 16 heures, Château Mouton-Rothschild

 

Rôtis-confits comme nous l’étions à la sortie de Phélan ( à part les conducteurs, qui tenaient la route, vous pensez bien !), nous avons été les visiteurs les plus dociles pour la guide de Mouton-Rothschild. La dégustation, dans une salle très « pro », nous a  vus nous effondrer comme des brutes saoules sur les crachoirs, et pour une fois dans cette sublime semaine, ne plus rechigner à cracher les merveilles dont on nous fit les honneurs.

 

Un expert en œnologie nous fit goûter trois produits de l’exceptionnel millésime 2000 :

 

L’Armailhac, récent achat de la famille Rothschild, qui présentait une robe rubis, translucide et légèrement purpurine. Le nez, fruité-torréfié, ne présentait pas autant de surprise que la bouche, qui découvrait de fascinants arômes de réglisse en fin de bouche.

 

Le Petit Mouton, second vin de Mouton-Rothschild, à la robe plus dense au nez surprenant de poivre intense et de petits fruits noirs. En bouche, le torréfié, plus présent qu’au nez, ne masque pas l’intensité des épices révélées au nez.

 

Le Grand Vin développe une extraordinaire palette de ces épices : girofle et poivre, mais aussi café et biscotte grillée, le tout rehaussé d’une réglisse rafraîchissante. En bouche, le café se taille une part belle, mais il est rejoint par un thé noir inattendu.

 

 

 

 

Il nous a ensuite fallu regagner Rouget (c’était loin !) et l’une des deux voitures s’est perdue…Mais le plein fait à l’Intermarché de Libourne vers une heure du matin, a été l’occasion de nouvelles pitreries, tant il est vrai que tout, dans notre équipée, fut prétexte à la déconnade la plus ébouriffante !

 

 

 

 

Vendredi 19 Avril 2002, Dernier jour à Château Rouget

Dernière matinée en Bordelais, Monsieur Labruyère nous a préparé une dégustation du produit de ses efforts pour optimiser la production d’un domaine dont il a acquis la propriété en 1994.

 

Ses efforts ont d’abord tendu vers une limitation des rendements, afin de favoriser la concentration du vin. Ainsi, alors que le rendement maximum autorisé dans l’appellation Pomerol est de 51hl/ha, Château Rouget n’en produit pas plus de 30, à force d’ébourgeonnage et de vendanges vertes. Les cuves sont en bois, mais Rouget dispose de quelques cuves en inox pour le second vin. Le vin est élevé 18 mois en barriques renouvelées tous les ans par moitié. Avant la mise en bouteilles, les assemblages sont remis en cuves quelques jours afin d’homogénéiser les mélanges.

 

Le millésime 2001 est composé de 12% de Cabernet Franc et 80% de Merlot. La robe en est violine, très opaque, d’une extraordinaire densité. Le nez présente des arômes de fruit rouge (cerise et framboise) et noir (mûre), très mûrs, auxquels le boisé s’incorpore harmonieusement, avec une finale fraîche et douce. En bouche, le vin est doux, malgré sa jeunesse, « un vin de femme », confie le maître de chais.

 

Le 2000 présente les mêmes proportions de Cabernet Franc et de Merlot. La robe en est tout aussi dense et profonde, purpurine et opaque. Le nez mêle un boisé frais d’eucalyptus, qui vient du Cabernet Franc, à des arômes fruité de chair de figue, caractéristique des merlots à parfaite maturité. En bouche, les tannins sont présents, forment une charpente qui est un gage de grande capacité au vieillissement, mais ils n’écrasent pas le fruit.

 

Le 1999 est incroyablement différent, le fruité est entre poire et cerise à l’eau de vie, le boisé est frais. En bouche, une certaine acidité rafraîchit le palais, offre une place nette au fruit et le toasté se révèle pleinement en fin de bouche. Les tannins sont encore très présents.

 

Le 1998 présente un nez très frais, qui évoque le pin landais, entre toasté et menthol. Le fruit s’épanouit sur la mûre et la figue, la bouche retrouve ces arômes à la fois puissants et délicats et finit sur une note d’astringence boisée qui montre que les tannins ont besoin de temps pour s’arrondir encore.

 

Nous avons enfin goûté un Château Rouget 1994, le dernier d’avant la reprise par la famille Labruyère : le contraste était saisissant : la robe, claire et déjà tuilée, témoignait d’une faible concentration due à de forts rendements, avec pour conséquence une aptitude au vieillissement plus faible. Au nez et en bouche, habitués comme nous l’étions à des vins très concentrés, nous avons trouvé ce 1994 fort dilué. Même s’il était indéniablement bon, il n’avait rien de commun avec le Rouget des Labruyère.

 

Le déjeuner qui a suivi fut arrosé du vin des bouteilles ouvertes pendant cette dégustation : ce fut un somptueux pique-nique !

 

 

Tous les participants souhaitent exprimer ici leur infinie reconnaissance à tous nos hôtes, qui ont fait de ce séjour un véritable rêve. Monsieur Labruyère est celui que nous devions remercier en premier pour nous avoir logés chez lui, à Rouget. Edouard, enfin, a mis une année à préparer cette route des vins qui fut un triomphe et nous le remercions tous très affectueusement.

 

 

retour à tout sur IVV

retour au sommaire

 

A.S.